Un arrêt de la Cour de Cassation du 27 novembre 2019 a estimé qu’un fournisseur de produits avait commis une faute en fournissant à son partenaire commercial une colle et des pochettes adhésives défectueuses en octobre 2004 et en février 2005. En conséquence, il était responsable de la liquidation judiciaire de sa cliente survenue en 2009 , compte tenu des difficultés économiques et financières que ces désordres avait occasionnés.
Quels étaient les faits : la société Applications adhésives de l'Artois (la société 3A) installée à Annezin dans le Pas de Calais, dont la holding était la société MPH développement (la société MPH), dont le capital était partagé entre MM. I... et J... M..., avait pour activité la fabrication et la commercialisation de sacs fermants et auto-fermants, ainsi que de pochettes en plastique auto-adhésives pour les documents de transport, bons de livraison et factures destinés au transport de colis. Dans le cadre de son activité, la société 3A s'approvisionnait auprès de la société Bostick, leader mondial dans les solutions de collage . A compter du mois de novembre 2004 et au début de l'année 2005, la société 3A s'est plainte de ce que la nouvelle formule de colle, référencée TLH 4119, ne présentait pas les qualités adhésives requises, au point que plusieurs millions de produits adhésifs lui avaient été retournés par ses clients. Le 28 avril 2005, la société 3A a assigné la société Bostik en réparation de ses préjudices, avant d'être mise en redressement judiciaire le 27 juillet 2005. Le représentant des créanciers a mandaté M. U...-Q... en qualité d'expert amiable pour évaluer les préjudices de la société 3A Un jugement du 1er juin 2006 a ordonné une expertise confiée à M. D..., afin de déterminer l'origine des désordres et d'évaluer les préjudices. La société 3A a bénéficié d'un plan de continuation le 19 juillet 2006, puis été mise en liquidation judiciaire le 17 avril 2009, M. T... étant nommé liquidateur. Après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, un arrêt du 2 septembre 2010, devenu irrévocable, a précisé que la société Bostik était tenue de réparer l'ensemble du préjudice de la société 3A résultant du vice affectant la colle qu'elle lui avait vendue. Le 14 février 2011, la société MPH et MM. I... et J... M... ont assigné la société Bostik en indemnisation de leurs préjudices, sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Cette instance a été jointe à celle introduite par la société 3A et reprise par son liquidateur.
La Cour de cassation énonce que les constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, consistant en la possibilité de conclure un nouveau contrat avec un tiers, la cour d'appel a pu retenir que la société 3A avait subi une perte de chance, qu'elle a indemnisée. L'arrêt en déduit que les quelques valeurs comptables sur la situation financière de la société 3A avant le sinistre n'établissent pas les causes sous-jacentes d'une cessation de paiement à venir de la société 3A, qu'en revanche, les préjudices reconnus à concurrence de la somme totale de 1 337 460,82 euros au titre des conséquences directement imputables au vice caché concernant la colle, a affecté les trois années d'activité de la société 3A en 2005, 2006 et 2007, dont plus de la moitié dès la première année, et que le refus de la société Bostik de reconnaître sa responsabilité autrement que par les voies judiciaires a placé la société 3A dans l'impossibilité de répondre du passif exigible, au point qu'elle a dû être mise en liquidation judiciaire. La Cour retient qu'en l'état de ces constatations et appréciations, qui font ressortir l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par la société Bostik dans la fourniture d'une colle défectueuse et la mise en liquidation judiciaire de la société 3A, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait.
Christophe Delahousse