Le droit de visite et d'hébergement est-il un droit ou un devoir ?
Après une séparation et la fixation par la justice d’un droit de visite et d’hébergement, il arrive que l’un des parents soit récalcitrant et n’exerce qu’épisodiquement son droit de visite et d’hébergement et plus particulièrement lorsque la rupture est lointaine et que les relations entre les enfants et le parent chez qui ils ne résident pas au quotidien s’estompent avec le temps.
Le parent « gardien » se pose légitimement la question de savoir s’il peut contraindre son ex conjoint à exercer effectivement le droit de visite et d’hébergement consacré par décision de justice.
Toute dernièrement, la question était posée au gouvernement dans le cadre des questions que les parlementaires, députés ou sénateurs sont amenés à rédiger pour éclaircir une situation juridique.
La réponse ministérielle du 30 juin 2020 (N° 24546) est claire :
« Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant. Un parent qui n'assumerait pas ses responsabilités en refusant par exemple de prendre en charge son enfant ou de l'accueillir à son domicile s'exposerait à un retrait de l'exercice de l'autorité parentale sur le fondement de l'article 373-2-1 du code civil. ».
Le choix du verbe « devoir » laisse entendre qu’il ne s’agit pas que d’un simple droit mais d’un devoir qui pourrait être sanctionné en cas de refus d’exercice.
Les cours et tribunaux avaient déjà pu statuer en ce sens en indiquant que « le fait de priver son enfant de tout lien avec lui (un des parents), de manière délibérée, est totalement contraire à l’intérêt du mineur ».
Toutefois, en pratique, la question se pose de savoir comment exiger l’exercice effectif du droit de visite et d’hébergement lorsqu’un des parents s’y refuse.
S’il s’agit d’un devoir et non pas simplement d’un droit, la violation de ce devoir constitue en soi une faute qui pourrait être sanctionnée par des dommages et intérêts compte tenu du préjudice subi par le mineur.
Le Tribunal de SAINT-BRIEUC dans une vieille décision de 1980 n’avait pas hésité à entrer en voie de condamnation.
De même, s’agissant d’un devoir, il est alors possible de demander au Juge de condamner le parent récalcitrant à une astreinte, c’est-à-dire, une condamnation financière pour chaque droit de visite et d’hébergement non exécuté (article 373-2-6 du Code Civil).
De même encore et sans même qu’il soit besoin dans ce cas, de caractériser la notion de devoir, il est toujours possible de solliciter le retrait de l’exercice de l’autorité parentale sur le fondement de l’article 373-2-1 du Code Civil à l’encontre du parent qui refuserait expressément l’exercice de son droit de visite et d’hébergement.
Enfin, l’absence d’exercice concret du droit de visite et d’hébergement et en conséquence, la charge exclusive de l’enfant par un des parents, doit permettre à celui-ci de solliciter une augmentation de la contribution alimentaire compte tenu de cette charge exclusive.
En revanche, si la question du simple droit ou du véritable devoir est tranchée, il n’en demeure pas moins qu’à l’exception des mesures financières (astreinte, dommages et intérêts, augmentation de pension alimentaire), il est extrêmement difficile, voire impossible d’exiger l’exercice physique du droit de visite et d’hébergement par le parent récalcitrant.
Cependant, est-il de l’intérêt de l’enfant de se rendre chez l’un de ses parents qui refuse de l’accueillir… ?
Source : http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-24546QE.htm
Frédéric Brazier